Budapest, les heures sombres du XXe siècle
Cette ville superbe a un côté pile, brillant et subjugant d'un palais à l'autre.
Et un côté face, façonné par les tragédies de l'histoire du XXe siècle qui ne l'ont pas épargnée.
La folie des hommes vous glace le sang.
Vous croyez revivre les heures fastes et lumineuses, quand la ville était un centre culturel essentiel en Europe et dans le monde, et que les Américains venaient investir dans des palais le long des boulevards chics de cette capitale animée.
Et puis tout semble se figer dans l'horreur et la terreur.
Comme un voile qui se serait déposé sur la ville, engloutissant la lumière.
Budapest au XXIe siècle est joyeuse et lumineuse, mais ça et là dans la ville se trouvent des vestiges des heures sombres.
Des lieux de mémoire qui vous replongent dans le longue tragédie qui a frappé la Hongrie.
Si vous visitez Budapest, ne repartez pas sans avoir visité la Terror Haza, la Maison de la Terreur.
Andrassy Ut 60 était une adresse qu'il ne valait mieux pas avoir à fréquenter.
En 1944, elle était le siège du parti nazi des Croix Fléchées, puis à partir de 1945 et jusqu'en 1956, cette adresse devient celui du AVO la police communiste.
Dans ces lieux, des milliers de gents furent orturés et tués, au nom de deux idéologies et de deux dictateurs aussi fous l'un que l'autre.
Cette adresse funeste est aujourd'hui un musée.
J'ai rarement visité un musée aussi passionnant. Chaque étage, chaque détail, chaque témoignage est intéressant.
La scénographie est particulièrement réussie.
Pour vous mettre tout de suite dans l'ambiance, un escalier sombre vous conduit vers l'accueil du musée d'où vous apercevez un char russe, canon pointé vers vous, au pied d'un immense mur de portraits des victimes du polit buro.
Puis c'est l'ascension vers le long récit de l'histoire sombre du XXe siècle.
Tout commence avec la Seconde Guerre Mondiale et ses horreurs orchestrées en Hongrie par les sinistres Croix Fléchées qui s'installent dans ces lieux en 1944.
Le chaos dans lequel ils plongent le pays, exterminant les juifs du Ghetto de Budapest, est décidé depuis le 60 Andrassy ut.
Chassés en 1945, les Croix Fléchées cèdent la place aux Soviets, et cette adresse devient le siège de la police politique, dirigée par un ancien apprenti tailleur, Gabor Peter.
Un nom synonyme de terreur.
Tout au long du parcours du musée, vous plongez dans l'angoisse des dénonciations, des faux-témoignages, des procès bidons, des élections truquées.
La lente plongée d'un pays dans un régime politique qui confine à la folie, ou la peur prend emprise sur votre quotidien.
Régulièrement, des écrans diffusent des témoignages racontant cette époque où le mot liberté n'avait plus aucune place dans le vocabulaire.
Où tout n'était que propagande et mascarade. On plongeait un peuple entier dans l'ignorance et la peur, ceux qui osaient contester même faiblement ce pouvoir étaient exterminés ou envoyés en camp de travail dont ils ne revenaient pas.
Plus vous descendez les étages, plus vous plongez dans l'horreur du régime communiste, jusqu'au sous-sol, aux salles de torture.
Un moment éprouvant de la visite. Pas de spectaculaire, pas de traces de sang.
Mais la vision des cellules minuscules de 60cm de large où les détenus ne pouvaient jamais s'asseoir, les salles d'interrogatoire, la potence, vous font imaginer sans peine l'horreur qui y régnait.
Vous ressortez de ce musée silencieux, bouleversés, et vous vous demandez comment, en France, des personnalités et des hommes politiques ont pu soutenir un tel régime pendant si longtemps. Comment cette idéologie, même de nos jours, peut-elle encore perdurer ?
L'autre lieu qui nous aussi bouleversés se trouve au pied du Parlement, c'est le mémorial du 25 octobre 1956.
Nous l'avons visité un peu par hasard car aucun guide n'en parlait. Et là encore, allez le visiter, c'est un lieu important dans l'histoire hongroise qui retrace les évènements tragiques survenus ce jour là, le massacre de milliers de personnes par les Soviets.
On ne sait encore pas précisément comment tout à commencé. Ce qui devait être la réunion d'un peuple sur la place du Parlement (Kossut Lajos Ter) pour écouter son président Imré Nagi pronant une révolution calme pour que le pays retrouve sa souverainté, a viré au cauchemar
Les hongrois soupçonnent la propagande russe d'avoir incité le plus de monde possible à venir assister à ce qui devait être un discours pour mieux décimer la population.
Alors que la place était noire de monde et que tout était calme, des tirs ont commencé depuis les toits du ministère de l'Agriculture, puis les chars se sont mis également à tirer sur la foule, tuant plus de 2500 personnes.
Dans ce mémorial, d'autres témoignages bouleversants, d'autres visions d'horreur, et encore un char qui pointe son canon vers vous, glaçant.
Sur les murs du très beau bâtiment du Ministère de l'Agriculture, des boulets de canon ont été encastrés dans le mur, pour symboliser ces évènements.
A quelques mètres de là, sur la très jolie place Vernatuk Terre, la statue d'Imre Nagi détourne le regard du mausolée soviétique qui s'élève non loin de là sur la belle Szabadsag Ter.
Symbole du rejet du communisme par le peuple hongrois.
Après tant de noirceur, la vie a repris le dessus. Le Ghetto, longtemps abandonné, a été peu à peu réinvesti par la jeunesse.
Aller boire un verre dans un bar des ruines, lieux éphémères qui se cachent dans les immeubles désertés du Ghetto.
Le Szimpla est le plus ancien, devenu une institution, il est désormais établi à demeure et vaut le détour.
En sortant, dans Kazinczy utca, contempler un vestige de l'ère communiste, une Trabant.