Un voyageur las prend place à bord d'un TGV pour Nantes. Place Duo côte à côte, côté fenêtre est-il inscrit sur son billet.

Il est si las, après un long voyage, une errance de deux mois à Chypre, las de tout, fatigue qui engloutit tout son être dans une brume d'épuisement.

Quand le train s'arrête en pleine campagne, par la dernière volonté d'un désespéré qui s'est jeté sous ses roues, le voyageur se transforme contre son gré en narrateur, conteur de sa vie, et s'épanche malgré lui auprès de sa voisine d'infortune.

Coincé dans ce train, celui qui espérait que sa voisine ne lui adresse pas la parole, n'ayant plus la force d'écouter, se confie soudain, comme une urgence à parler, lui qui est plus habitué à amener les autres à se découvrir, à travers l'écriture et la parole.

On ne sait pas pourquoi sa situation est aussi désepérée, pourquoi il est en faillite personnelle, c'est un fait acquis, il nous le dit.

Il s'épanche enfin sur le poids de ces années à faire accoucher les autres de leurs souffrances cachées, volontairement masquées, ou impossible à dire de vive voix. L'écriture leur ouvre la voie de la délivrance, et lui le "sage-homme" les aide à se délivrer de ces poids devenus insupportables.

Mais il n'en peut plus d'absorber ces ondes de douleur des autres et il sombre lentement. Voilà ce qu'il raconte dans ce train immobile dans la nuit.

Incident de personne est un livre étrange, un livre d'ambiance, le confinement de la rame est le reflet du confinement des sentiments du narrateur. Les descriptions de Chypre et de Nicosi sont très loin des images de carte postale des agences de voyage. Il n'y décrit que la violence des affrontements passés inscrits sur les murs de la ville qui semble à son image, en perdition.

C'est oppressant mais on a envie de savoir pourquoi il est parti à la dérive. L'écriture est belle, précise, tranchante parfois, mais le lecteur reste sur sa faim quand le train repart enfin. Là est peut-être tout l'art de l'écrivain : nous laisser imaginer la suite...

" J'ai prié pour que vous n'ayez aucune histoire à me confier. Je ne suis plus apte à entretenir une conversation, encore moins à écouter des confidences. Je déborde."

Ecouter l'autre. Pas si facile!

Certaines personnes sont prédestinées à l'écoute.

Ecouter les autres, les laisser parler ou provoquer, parfois involontairement, le flot de paroles qui soulagera l'interlocuteur qui en aura presque oublié l'auditeur, tellement absorbé par ses propres paroles. Souvent, l'auditeur en oubliera le goût de parler à son tour, craignant de que son interlude ne nourrisse le flux brièvement interrompu du l'autre, qui repartira de plus belle dans son histoire.

C'est fou le nombre de gens qui s'écoutent parler, le nombre de monologues déguisés en dialogues qui transforment les conversations !

Peu savent vraiment écouter et partager. Et peu se livrent vraiment. Les conversations bien souvent ne font que relater une kyrielle de faits sans importance, vécus par des gens que parfois vous ne connaissez pas mais dont on juge nécessaire de vous parler, allez savoir pourquoi.

Ou est-ce pour masquer l'essentiel?

L'écoute

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