La peinture américaine des années 30, the Age of Anxiety - l'expo
Les Etats-Unis, comme fil conducteur de cette année 2016 qui s'achève.
Voyage quasi initiatique, lectures sensibles, élection d'un président improbable qui nous a maintenus en haleine jusqu'au bout, et pour finir, une expo courte et percutante au Musée de l'Orangerie, sur les Peintres américains des années 30.
Je vous avais parlé de la Grande Dépression lors de mon Road Trip USA #3.
De cette expo au Musée de la Route 66 à Kingman, hommage aux Raisins de la Colère de John Steinbeck.
Je n'ai pas relu le livre depuis, il fait partie de la pile à lire.
Un soir de novembre, lors d'un weekend normand, nous avions fait découvrir aux enfants le film culte de John Ford, et cette partie de l'histoire américaine aux répercutions mondiales qu'ils venaient d'étudier en cours d'histoire. Magnifique Henry Fonda dans le rôle de Tom Joad, justesse de la pléiade d'acteurs moins connus désormais, mais quelle puissance du désespoir !
Impossible de manquer alors une visite au Musée de l'Orangerie, aux Tuileries.
L'expo n'est pas très grande et chaque salle nous plonge dans un réalisme sans fard.
Tout débute avec American Gothic, de Grant Wood, peint en 1930.
Ce tableau, c'est la Joconde de la peinture américaine. C'est la première fois qu'il est exposé en France et son austère mise en scène est un peu glaçante. Les personnages figés vous regardent froidement, tristement. On ne sait plus à quelle époque ils sont censés vivre...
Puis on avance vers les temps modernes, les machines,
la géométrie des usines,
d'un paquet de chewing gum Wrigley's, tableau comme une pub géante.
Face à la froide géométrie, la réalité écononmique fait un écho sombre : le chômage qui ravage le pays,
la misère,
dénoncés par des peintres comme Alice Neel, Joe Jones, Osvaldo Guglielmi.
Malgré la crise, la croissance reprend lentement, mais tout un courant de peinture revient aux sources, idéalise le retour à la nature, à leurs origines.
Les peintres régionalistes montrent alors une nature vallonnée,
comme dans les tableaux de Grant Wood peignant son Iowa natal,
mais le réalisme n'est jamais loin, dénonçant des conditions de travail dans les champs de coton,
la montée du Ku Klux Klan.
Georgia O'Keeffe peint des vanités, inspirées du Nouveau-Mexique,
poétiques et énigmatiques, comme souvent ses toiles.
On revient en ville, la frénésie des spectacles,
le tumulte,
la solitude au milieu de la foule,
comme dans ce tableau très expressif d'Edward Hopper où le regard est invariablement aspiré vers l'ouvreuse, se tenant à l'écart de la salle. A quoi pense-t-elle pendant que les autres se divertissent ?
Il y a dans tous ces tableaux comme une tristesse, malgré les lumières de la fête. Un léger mal être.
Même dans le tableau de Thanksgiving de Doris Lee.
Chaque femme s'active mais semble rester dans sa propre sphère, croisant les autres seulement.
L'expo se termine sur un tableau de Hopper, si connu, Gas.
Et toujours cette solitude dans la lumière crue de la station service.
En sortant, replonger dans l'éblouissement des toiles de Renoir, Cézanne, Gaugin, Matisse,
de la Collection Jean Walter & Paul Guillaume.
Se laisser surprendre par les toiles de Picasso du début des années 20,
Et par la poésie délicate des visages de Marie Laurencin.
Terminer comme toujours par les Nymphéas de Monet.
S'abandonner dans la contemplation des couleurs délicates que la courbe accentue.
Il y avait peu de monde au Musée à l'heure du déjeuner ce jeudi avant Noël.
Le Jardin des Tuileries était plongé dans la brume, la Tour Eiffel disparaissait, et même les lumières de la Grande Roue semblaient éteintes.
Poésie urbaine des chaises constellées de gouttes d'eau au bord du bassin.
De la géométrie de l'obélisque derrière la Grande Roue.
Se réfugier chez WHSmith à l'heure du thé, dans le calme du salon de thé à l'étage.
Cet endroit est un havre de paix après la frénésie de la rue de Rivoli, et les cakes sont aussi beaux que délicieux !
J'avais besoin de ce sas de décompression après des semaines, des mois intenses.
Une journée pour moi, entre expo, livres et cup of tea.
L'exposition The Age of Anxiety, la Peinture américaine des années 30 est au Musée de l'Orangerie jusqu'au 30 janvier 2017.
(Les photos étant interdites dans l'expo, toutes celles des tableaux sont issues du Hors Série de l'Objet d'Art dédié à l'exposition).