Road trip USA #11 - Lake Powell et Antelope Canyon
Cette étendue d'eau dans le désert, image pour le moins insolite.
Quel était le meilleur moyen pour voir le désert depuis le lac ? Nous n'avions pas du tout envie de jouer les touristes en mal de sensation et faire rugir les jet-skis. Il nous fallait trouver un autre moyen, plus respectueux de la nature. Fans de paddle, il ne restait plus qu'à dénicher la perle rare dans Page, ville absolument sans charme nichée au dessus du barrage.
Un peu par hasard, nous sommes tombés sur Lake Powell Paddleboards. Une petite boutique dans une rue du centre (si on considère que la place du supermarché fait office de centre-ville), tenue par deux passionnés de paddle, Joe and Jordan, un couple en pleine reconversion professionnelle. Tombés amoureux de ce spot, ils ont quitté la Californie et leurs jobs pour se consacrer à leur passion.
Comme nous nous en doutions, le lac est saturé de bateaux et autres embarcations à moteur en tous genres. Jordan nous a donc recommandé de partir en balade très très tôt.
Dès 7h30, nous étions sur l'eau. Mais quelle magie. Pas un bruit, pas une vague de bateau, nous avions les canyons pour nous tous seuls !
Vers 9h, la tranquillité était déjà une notion lointaine et les vagues des bateaux se répercutaient sur les parois des canyons, compliquant la tâche !
Après 3 heures passées sur l'eau dont une heure et demie à batailler contre le remous des bateaux, il était temps de s'arrêter et d'aller visiter Lower Antelope Canyon.
Etes-vous prêt pour pénétrer dans un univers ocre rouge, où la pierre s'est transformée en vagues de tissu, enveloppant l'explorateur dans une pénombre fascinante, où percent les rayons du soleil au zénith ?
Ce lieu est magique.
La descente dans les entrailles du canyon est unique. L'entrée laisse incrédule.
Va-t-on pouvoir passer tellement la faille est étroite ?
Puis les échelles de fer s'enchainent, et la lumière vive de midi s'estompe, laissant place à des couleurs douces, improbables.
La poussière de sable joue dans les rayons du soleil, créant une ambiance poétique.
L'eau a sculpté ce dédale de roches rouges,
façonnant la pierre telle une étoffe délicate,
créant des personnages fantasmagoriques.
Chacun pouvait laisser libre cours à son imagination, le guide Navajo nous précisant juste ce que lui et les siens voyaient dans ces morceaux de roches.
Un chef indien,
un oiseau,
Ce canyon est un lieu sacré, nous sommes en territoire Navajo de nouveau.
Le temps était suspendu.
Les montres s'étaient arrêtées au fond du canyon. Nous marchions presque en silence, éblouis par cette beauté naturelle, loin du tumulte des bateaux.
Les mains frôlant la pierre, pour sentir la vibration des lieux, l'âme Navajo qui nous accueillait ici.
Nous avions réservé notre visite très longtemps à l'avance, et avions bien fait, nous évitant des heures d'attente sous un soleil de plomb.
Et surtout pour avoir la meilleure lumière possible. C'est entre midi et deux heures qu'il faut visiter le canyon, quand le soleil est au zénith et se fraye un chemin à la verticale dans l'entrelac des roches.
Des amis qui l'ont visité à d'autres heures de la journée n'ont pas vu du tout les couleurs qui nous ont tant enchantés.
Je crois qu'avec le Grand Canyon, c'est le lieu qui m'a le plus impressionnée par sa beauté.
Après cette beauté à l'état brut, la triste modernité sans âme de Page, nous a interpellés.
Cette ville n'a aucun charme. Les hôtels se ressemblant tous s'alignent le long d'un immense boulevard qui fait une boucle autour de la ville (évitez à tout prix le Motel 6, un rapport qualité-prix désastreux !). Des dizaines d'églises côte à côte n'ont de différence que le nom : des mormons, des évangélistes, des adventistes, et autres confessions se suivent et se ressemblent.
Les restaurants sont terriblement médiocres. Je crois que séjourner dans les marinas autour est un peu mieux, mais je n'ai pas pu vérifier.
Un peu par dépit, nous avions fini par attérir au State 48 Tavern, un diner qui nous paraissait le moins touristique de tout ce que nous avions vu. Sans grand charme, mais nous éviterions les hordes de touristes qui faisaient la queue devant la steak house local assourdis de musique country. Le choix n'était pas si mal, et nous en étions à siroter une bière mexicaine quand Joe et Jordan sont apparus et nous ont confirmé que l'endroit servait les meilleurs tacos du coin. Nous avons donc finis notre diner en bonne compagnie, à échanger sur nos impressions de la journée.
J'aime tellement ce genre de rencontre. Toujours curieuse, je leur ai demandé comment on quittait San Diego pour Page (ce qui me semblait improbable). Joe avait toujours une société d'import export dans le Michigan qu'il gérait avec l'ainé de ses enfants. Jordan avait occupé un beau poste chez LVMH, jusqu'au jour où elle s'était rompu le tendon d'Achille. L'opération s'était mal passé et elle était restée deux ans sans marcher, dans l'incapacité de travailler. Toutes ses économies y étaient passées ou presque. Elle avait fini par remarcher, et avait décidé de changer de vie. D'où cette reconversion depuis 3 ans et cette envie de nature après une carrière dans le luxe à voyager à travers le monde. Une discussion passionnante qui nous a fait réfléchir sur le système de santé américain...