L'art de l'appropriation - Jeff Koons à Beaubourg
J'ai parfois de ces contraintes !
Jeudi matin tôt, le quartier des Halles émerge doucement de sa folle nuit, les rues viennent de faire une toilette matinale, et quelque privilégiés, dont moi, s'engouffrent dans les tuyaux géants du Centre Georges Pompidou. Il fait un temps magnifique et Paris resplendit sous le soleil.
Un sympathique cabinet d'avocats anglo-saxon avait invité ses clients à Beaubourg, pour un petit-déjeuner et une visite privée de l'expo Jeff Koons. La vue depuis Georges est toujours spectaculaire !
Par petits groupes, emmenés par des conférenciers, nous partons à la découverte de l'univers coloré et délirant de l'artiste contemporain le plus cher, ou presque.
Jeff Koons est le maître de l'appropriation. Il ne créé rien mais détourne les objets du quotidien ou les oeuvres d'art existantes pour les transformer à sa guise, nous offrant de drôles d'oeuvres.
Ses premières créations (1986) sont un hommage à la banalité des objets de notre vie courante .
Des jouets gonflables deviennent un univers de bande dessinnée,
L'électroménager est annobli, telle cette lumineuse bouilloire, glorifiée par les néons.
Des ballons de baskets flottent entre deux eaux, drôles de poissons défiant les lois de la physique, grâce à l'aide du Prix Nobel de Physique, le Dr Feynman.
Koons veut nous décomplexer par rapport à l'art, et son pari est gagné, car on a un peu de mal à prendre au sérieux un lapin gonflable entouré de jolies fleurs, le tout collé sur des miroirs.
Il s'inspire des Ready Made de Marcel Duchamp, son influence première qu'il a étudié en travaillant au MoMa.
Le succès venant, il peut ouvrir son atelier et travailler le métal, copiant les classiques statues,
et reproduisant avec une fidélité presque maniaque les plis des objets gonflables qui lui sont chers.
Ses Inflatables vont jusqu'à la démesure.
J'ai tourné autour du Balloon Dog, fascinée par le vernis parfait dans lequel le spectateur se reflète, car Koons veut nous associer à l'oeuvre, nous intégrer, pour mieux nous faire vivre sa création et abandonner nos complexes. Le chien le plus lourd (une tonne) et le plus cher du monde, 58 millions de dollars...et 3 ans de travail.
Il s'est associé au célèbre Mr Buster Balloon, le roi des sculptures en ballons, pour les copier à la perfection. Pour retomber en enfance, je vous invite au Buster Balloon Show !
Après son divorce d'avec la Cicciolina, la garde de leur fils Ludwig est confiée à cette dernière après une longue bataille juridique. Privé de son fils pendant près de 20 ans, il conçoit pour lui un unviers fantastique, où les héros populaires américains cotoient un monde de jouets merveilleux.
Popeye et Superman
Hulk
Mickael Jackson
Plus de 100 personnes s'affairent dans l'atelier de Jeff Koons pour concrétiser ses lubies en sculptures, tableaux, miroirs.
Vous vous souvenez de ces peintures quand vous étiez enfants, avec des numéros pour chaque couleur, bien délimitées les unes des autres ? Découvrez la version géante façon Jeff Koons ! Une explosion de couleurs joyeuses comme un après-midi à jouer aux PlayMobil !
Cet univers est moins enfantin qu'il n'y parait. L'allusion sexuelle est dans chaque oeuvre de Koons, souvent évidente, voire carrément pornographique mais tenue à l'écart dans une salle interdite aux moins de 18 ans (c'est curieux, personne n'a osé trop y aller de peur de ternir sa réputation... !)
Koons associe les objets gonflables au cycle de la vie.
On inspire et le souffle de vie leur donne forme. Mais à la fin de l'été, ils dépérissent au bord de la piscine, dégonflés et agonisant. Ils expirent...
Ses oeuvres plus récentes reviennent aux grands classiques de l'Antiquité, qu'il réinterprète pour la plus grande joie des copropriétaires richissimes d'une résidence en Floride. Pour la modique somme comprise en 3 millions (sans doute le studio) et 30 millions de dollars, vous pouvez habiter un bel appartement au bord de la mer, et admirer dans vos parties communes plusieurs oeuvres de Koons, comme celle-ci.
C'est kitsch en diable, mais il parait que cette copro a acheté 5 oeuvres de la même veine...
Je préfère de loin la série des Glazzing Balls qui viennent ponctuer de leur bleu profond des reproductions de statues antiques.
Jeff Koons, on aime ou on déteste, mais on ne peut pas rester indifférent. Je ne peux pas dire que ce soit une forme d'art qui m'émerveille, mais elle m'amuse et c'est déjà beaucoup !
Cette rétrospective à Beaubourg est spacieuse et très bien faite. Du 6e étage, on surplombe Paris et comme toujours c'est l'émerveillement.
Alors, si vous voulez en prendre plein la vue, vous envelopper de couleurs, dépêchez-vous, il ne vous reste plus qu'un mois !
Le coeur qui bat dans la ville, mon oeuvre préférée.
Après cet interlude Pop Art, retour au bureau. La Tour Saint Jacques fait la belle sous le soleil !