Repetto, des pointes et Brigitte
Que faire un samedi matin quand les pointes de Mademoiselle Héloïse sont devenues trop petites et qu'il en faut absolument des nouvelles d'ici mercredi (sous peine de quoi, je ne sais pas, mais c'est non négociable apparemment...).
Foncer chez Repetto, rue de la Paix, sans passer par la case prison !
Comme toujours, c'est au dernier moment qu'on m'annonce que le changement (de pointes), c'est maintenant, qu'il est samedi matin et qu'il faut sauter dans la voiture sans faire d'entrechat pour passer entre les gouttes des embouteillages qui feront déborder l'A 13 un peu plus tard dans la journée.
Paris est calme ce matin, quelqu'un a croqué la Tour Eiffel, la Concorde semble presque endormie et la Grande Roue des Tuileries tourne au ralenti sous le ciel gris. La place Vendôme est en travaux, le Ritz a disparu sous un décor de pallissades. Des voituriers attendent patiemment devant Boucheron et Cartier des Happy Few en manque de bijoux.
Nous trottons joyeusement, jettant un oeil vers les vitrines éblouissantes de diamants, pour enfin arriver devant le temple sacré des danseuses.
La vitrine a mis ses atours de Noël et la neige virevolte autour d'un joli tutu blanc perdu dans une forêt de bouleaux.
A l'intérieur, peu de danseuses devant le mur de pointes, mais beaucoup de femmes de tous âges n'ayant pas résisté à l'appel de la ballerine.
Des pointes du sol au plafond, une barre pour les essayer, de jolis fauteuils capitonnés de rouge, et le tutu du cygne noir qui fait rêver les danseuses du mercredi.
Choisir des pointes n'est pas aussi facile que de choisir des ballerines et le vendeur-danseur prend son temps pour observer le pied pointé devant lui avant de faire chausser la demoiselle d'une paire de Carlotta parce que son pied est très fin et qu'il faudra qu'il soit soutenu lorsque tout son corps pèsera sur la pointe de ses orteils. La voilà légère sur ses pointes, s'appuyant à peine sur la barre tandis qu'on lui confirme que ce modèle sera bien confortable, j'ai peine à le croire !
J'ai l'impression de lui acheter des instruments de torture mais son sourire radieux m'affirme le contraire, quel paradoxe !
L'urgence des pointes étant levée, nous pouvons enfin en profiter pour admirer les tutus exposés à l'étage, et essayer une paire de Brigitte, les petites dernières au bout pointu, ravissantes comme des petites souris avec des noeuds en guise de moustaches.
L'opération Repetto fut rondement menée. En sortant, nos paquets sous le bras, deux couples de trentenaires s'arrêtent devant la boutique et j'écoute amusée les maris résignés, dire : "ça y est, votre programme shopping commence ici!"
Fallait pas les emmener là, inconscients que vous êtes, l'appel de la ballerine et des tutus est irrésistible !