carnets normands - Le bout du monde
Tout au bout de la plage, il y a le bout du monde.
Du haut de la tour, on aperçoit au loin ses dunes et l'immensité de la plage, l'arc sombre des moulières.
A marée basse, la plage découvre à l'infini, on oublie la mer devant une symphonie dorée de sable. Les filantes scintillent au soleil, le ciel se confond avec la mer si lointaine.
L'alignement des piquets des moulières semble presque irréel, un mirage sombre sur le sable humide et brillant.
En se rapprochant du bout du monde, un sentiment d'isolement nous envahit. Il n'y a que le vent et la mer qui s'engouffre dans le Havre de la Vanlée.
De l'autre côté du Havre, la plage est lumineuse sous le soleil, mais ce n'est plus notre domaine. En passant le gué à cheval à marée basse, on a l'impression de franchir une frontière, de l'autre côté la plage a l'air moins sauvage, la douceur revient, le vent devient brise.
Le bout du monde n'en finit plus, plus on avance, plus il s'éloigne... Enfin on réalise que le vent est moins violent. L'entrée du Havre est devant nous, et le paysage s'apaise.
Le spectacle est magique. Le gris de la tangue se mêle aux verts prés salés, les langues de sable éclairent ça et là d'une touche dorée le paysage.
Un bateau est venu s'échouer au milieu de la filante asséchée, tellement loin de la haute mer, bien à l'abri parmi les moutons dispersés qui broutent la salicorne.
Par grande marée, la route qui traverse le Havre de la Vanlée disparait comme happée par la mer, et les paisibles prés salés se transforment en un lac immense, calme et magnifique.
Tout ici est serein : les moutons qui paissent, le bateau posé dans l'herbe, le granit des maisons trapues qui bordent le Havre, et au loin, le clocher de Bréhal ou de Bricqueville.
D'un coup de pédale, on se retrouve dans les champs de carottes plantées à même le sable.
Tout est si calme, même le vent du large devient léger. On rêvasse bien au chaud protégé par la dune, en savourant la beauté étrange de ce paysage.