Jeudi soir - Salle Pleyel
Je reconnais que j'ai de la chance. L'avantage de mon métier, ce sont les invitations à des soirées d'exception.
Les avocats qui m'invitent ont la délicatesse de m'éviter le Stade de France, me réservant les concerts à Pleyel, un lieu mythique pour tous les mélomanes.
Jeudi dernier, j'ai rencontré la virtuosité, et eu la preuve que l'âge importe peu quand on est porté par sa passion.
Tout d'abord, la symphonie parisienne n°82, de Haydn pour nous préparer à écouter ensuite la perfection : Mozart.
Cette symphonie, dite "l'Ours", était surtout portée par l'extraordinaire chef d'orchestre, Paavo Järvi, dont la joie est communicative. Il était tellement expressif quand il menait l'Orchestre de Paris, mimant les pas de l'ours lorsque les contrebasses et les bassons rythmaient les mesures de leur son grave, ou faisant les gros yeux en souriant aux quelques spectateurs qui applaudissaient avant la fin de la partition.
Puis vint la perfection au bout des doigts d'un tout petit monsieur au pas hésitant : le pianiste Menahem Pressler. Il fêtait avec nous ses 90 ans.
Comment arrivait-il à jouer le concerto pour piano n°23 de Mozart sans faillir, avec une telle énergie ? Il semblait totalement habité par son art.
La salle toute entière retenait son souffle, suspendue aux notes d'une beauté incroyable.
Le concerto terminé, il s'en est allé, à tous petits pas, tenant le bras du chef d'orchestre, la salle entière debout pour l'ovationner !
Puis, sans doute a-t-il senti que nous étions malheureux que cette magie s'arrête, alors il est revenu s'asseoir au piano, seul, sans l'orchestre, et Chopin a envahi l'espace.
Un moment d'émotion unique. Je crois que nous étions tous au bord des larmes..
Visiblement épuisé, il nous a quitté, nous laissant à deux symphonies de Sibelius qui paraissaient bien fades et décousues après autant de pureté.
J'ai le sentiment d'avoir vêcu un moment unique, d'exception. Peut-être l'un de ses derniers concerts.
C'était bouleversant.
Mozart - Concerto pour piano n° 23 en la majeur K488 (découvrez le sublime adagio : http://fr.medici.tv/#!/daniel-barenboim-mozart-piano-concerto-23)
Chopin - Nocturne n°20 en ut dièse opus posthume (souvenez-vous du Pianiste de Polanski : http://www.youtube.com/watch?v=WkELWhE9W2k)